Didier Porte «Je suis la terreur du sommelier du Monoprix d’Arceuil»

Grands crus à domicile, psychologue du prix de la bouteille et culte des affaires au supermarché… L’humoriste Didier Porte est un amateur de vin qui collectionne les grands cépages pour le plaisir de les oublier dans la cave d’un copain. Heureusement, on n’était pas venus les mains vides.

 

Capture du 2015-06-09 15:50:11
Photo Thomas Laisné

Didier Porte on raconte que vous avez la plus grande cave du Plateau de Vanves….
J’ai environ 400 boureilles, mais ma cave est en Essonne chez un copain. Comme ce n’est pas tout près de chez moi, je n’y vais pas souvent, ce qui est très bien. Comme ça, je suis certain que mes vins vont vieillir. Le plus agréable quand on a une cave, c’est de découvrir avec surprise des bouteilles qu’on avait presque oubliées.

A quand remonte votre passion des vins ?
J’ai toujours bu du vin. Adolescent, je vivais dans la Loire dans un petit patelin qui s’appelle Montbrison. Les paysans et les jeunes y buvaient du pinard. J’ai commencé par le gros rouge, alors que mes parents n’en buvaient pas. Ils n’y connaissaient rien. Et puis, j’ai commencé à m’intéresser aux grands vins en vieillissant, en même temps que j’ai pris goût à aller au restaurant. J’avais plus de trente ans quand j’ai commencé à vraiment apprécier les vins. C’est une initiation qui dure des années. Maintenant, il y a des petits jeunes qui s’intéressent au pinard très tôt et deviennent sommelier à 24 ans. Mais ça m’épate toujours. Il faut vraiment du temps pour forger son goût.

Quels sont vos vins préférés ?
Les grands blancs de la Côte-d’Or de Bourgogne, comme les Puligny-Montrachet. Ce sont les plus grands vins blancs du monde, malheureusement hors de prix. Et j’adore aussi les Bourgogne rouges. Mais j’ai aussi des coups de coeur, comme il y a quelques temps pour des Côtes du Rhône. Je connais, par exemple, un négociant dans la vallée du Rhône, Tardieu Laurent, qui fait des Vacquevras et des Gigondas sublimes. C’est très dur à trouver. J’ai déniché également un Châteauneuf-du-Pape de chez Tardieu Laurent au Monoprix La Vache Noire à Arcueil, dans le Val-de-Marne. Et là encore, j’ai tout raflé: les cinq bouteilles. Je crois queje suis la terreur du sommelier là-bas (rires).

Comment choisissez-vous vos vins ?
Déjà, il ne faut pas être un buveur d’étiquette, parce qu’on peut avoir de très mauvaises surprises sur des vins soi-disant prestigieux. Avant j’allais chez les producteurs et j’avais des réflexes de collectionneur : j’avais envie d’avoir toutes sortes de pinards.
Et donc, j’en ai acheté beaucoup que je n’ai absolument pas le temps de boire. Depuis quatre ou cinq ans, j’ai arrêté d’accumuler. Mais récemment, j’ai encore raflé chez Monoprix toutes les bouteilles d’un Bourgogne blanc que j’adore : le Corton-Charlemagne 2002. Il était vendu 80 euros, ce qui n’est pas très cher pour un vin pareil. C’est même très bon marché. Chez un caviste, ce vin coûterait au moins à 20 ou 30 euros de plus.

ça vous fait quand même un sacré budget vins…
Ça fàit des années que je n’achète plus de vin à moins de dix euros. Psychologiquement, c’est un  conditionnement. Pour que vous le valorisiez, il faut que le vin soit cher, sinon on n’y croit pas. Les grands vins, il ne faut pas les boire au restaurant, car ça coûte une fortune. Il faut les boire chez soi.

Que pensez-vous des vins de type Mont Ventoux, Malbec ou Coteaux d’Ardèche ?
Beaucoup de producteurs sont sortis des sentiers battus en créant des A.O.C. et en implantant des cépages qui n’étaient pas autochtones. Ils ont joué la carte de la concentration et de l’originalité. Mais dans le Languedoc-Roussillon, la région où il y a eu les plus gros changements au cours des vingt dernières années, on s’aperçoit que bien des vins ne tiennent pas la route, qu’i1 ne vieillissent pas bien. Cependant, il y a aussi de vraies réussites. Par exemple, sur le terroir ingrat et difficile de Saint-Romain-le-Puy, je connais un viognier (cépage blanc, ndlr) qui est sorti de l’appellation  Côtes-du-forez ». Ce sont des vins
très bons qui se vendent très bien. En Ardèche, Latour fàit un vin qui est devenu célèbre. Les grands Bourgogne et Bordeaux sont devenus tellement inaccessibles que si on veut se fàire plaisir, il faut regarder parmi ces vins-là.

Et ce Cahors, vous en pensez quoi ?
(Il goûte, ndlr). Pas mal. Un peu d’acidité. Ca m’a l’air d’être un Cahors assez moderne. Mais c’est un peu brutal les Cahors comme pinard. Il faut qu’il vieillisse, parce que sinon ça vous emmène la moitié du palais. Et celui-là est quand même un peu rude car astringent. Il n’est pas fait, c’est un 2006, il lui manque quelques années.

Vous préférez peut-être ce Pomerol 2oo1…
Oui (iI goûte à nouveau, ndlr). Le cépage est un Merlot, donc moins rude que les cépages cabernet sauvignon qui ont besoin de vraimenr vieillir. Ah ! Oui, il est bon ! Ça, c’est autre chose quand même. 200I est un millésime très bien, car prêt à boire. Sinon les Bordeaux, il fàut les faire vieillir. Je n’ai ouvert aucun Bordeaux de ma cave depuis 1998. Je commencerais à les boire dans 10 ans, si je suis encore de ce monde.

Vous buvez avec modération ?
Oui, pour des raisons de condition physique. Sauf quand je fais la bringue. Là je suis capable d’en boire beaucoup quand même. Je descends facilement deux bouteilles dans la soirée. Mais j’ai plus de 50 ans et il faut que je travaille. Donc je ne peux pas me permettre de trop boire.

Vous faites quoi maintenant, depuis que vous avez été viré de France lnter ?
Aujourd’hui, mon boulot c’est mon spectacle Didier Porte aime les gens ». Je le joue dans toute la France et pour l’instant mes salles sont pleines, j’ai gardé mon public alors que je ne suis plus à l’antenne. Et j’espère que ça va continuer. J’avoue que ça m’angoisse parfois …

Quoi donc ?
L’idée de perdre mon public !

Vous écrivez un nouveau spectacle en ce moment?
Oui, ça s’appelle « Didier Porte fait rire les masses ». Je vais Ie lancer cet été à Avignon.

Votre renvoi de France lnter remonte à l’été dernier. Aujourd’hui, vous êtes dans quel état d’esprit ?
Les derniers chiffres d’audience de France Inter indiquent que le public est toujours au rendez-vous de ce qui était ma tranche horaire dans l’émission de Stéphane Bern (Le fou du Roi, ndlr). Aucun accident industriel à déplorer (rires). Le fait que je sois viré n’a donc rien changé. Ça m’a remis les idées en place, au cas où j’aurais pu imaginer que j’étais un tout petit
peu indispensable à mes fans. Ils se sont très bien habitués à mon départ. Et d’ailleurs, moi aussi je continue d’écouter France Inter. Mais je n’ai rien à retirer de ce que j’al écrit dans mon livre (Insupportable, Chronique d’un licenciement bien mérité, Rirst). Et j’en suis plus que jamais persuadé : Stéphane Guillon et moi avons été virés sur ordre de l’Elysée. Il est de bon ton de dire aujourd’hui: « Mais vous croyez que le président de la République n’a que ça à faire de s’occuper des humoristes ». Bien sûr qu’il n’a que ça à faire et il s’en occupe. Vous pouvez être certains qu’il prend ça personnellement.

Pour vous, la radio c’est terminé ?
Oui, parce que je suis incasable ailleurs, je ne me fais aucune illusion. A part France Inter, je n’ai quasiment aucun débouché possible. D’ailleurs je n’ai eu aucune proposition et je ne suis pas le seul. Il faut savoir que Stéphane Guillon qui est une star et une locomotive d’audience, ni RTL, ni Europe 1 ne lui ont proposé la moindre chronique. C’est quand même bien la preuve qu’on est sacrément tricard politiquement.

vous reprenez un peu de Pomerol ?
Oui, mais alors vraiment une lichette… Parce qu’après, il faut que j’aille chercher ma fille à l’école.

«Sauvé des ondes» de Didier Porte vient de ressortir en poche chez L’Archipel.
(Pomerol: Château Bonalgue 2oo1 et Cahors Domaine de Cause,
oame des champt 2oo7)
Entretien Laure Michel