Jean-Pierre Coffe, le papy de la ménagère

Capture du 2015-06-24 14:19:29Escroc ou visionnaire ? Jean-Pierre Coffe, le roi de la fanfreluche et du boudin, assume tout en vrac: ses amours, ses faillites, ses restau, sa littérature, ses apéros. Et sa pintade fermière aux figues chez Leader Price …

 

« Dans deux ou trois ans, vous allez voir. » Avec Jean-Pierre Coffe, l’ancien croisé anti malbouffe de Canal Plus et chroniqueur popote chez Drucker (Vivement Dimanche, France 2), tout est affaire de tempo. En juin 2009, lorsqu’il devient l’homme-sandwich et le conseiller des supermarchés Leader Price, la moitié du pays crie à la trahison et au parjure. Comment un type aussi bruyant, réputé pour ses gueulantes contre les « margoulins de la grande distribution », et qui avait fait de la lutte contre l’industrie agro-alimentaire une forme de cabaret à grand spectacle, pouvait-il se renier ainsi? Lui rétorquait à qui voulait l’entendre: « Je suis là pour améliorer la qualité des produits, c’est mon dernier combat, mon dernier gros coup, je vais commencer par les confitures … »

Suprême de volailles A d’autres ? Deux ans plus tard, les produits remixés par le papy préféré des ménagères font un carton (+10 à 20% par an pour le Beaujolais Piron, le suprême de volaille au foie gras, etc.). Et même ses fameuses confitures, « cuites au chaudron », tiennent leurs promesses… Mais pour un prix souvent égal ou supérieur à celui des autres marques. De l’épouvantable mélasse aux ersatz de fruits, l’enseigne discount est ainsi passée à une confiote maison (avec 55% de fruits sélectionnés), vendue 25 centimes d’euro plus cher que son équivalent chez Bonne Maman. Et pour réussir un tel exploit, Jean-Pierre Coffe n’a pas ménagé ses efforts: « Quand j’ai visité la première usine de confitures pour Leader Price, c’était hallucinant ! J’ai dit au responsable de la sécurité alimentaire : “Faut se tirer d’ici, on va avoir des problèmes.” Il m’a répondu: “C’est emmerdant, on n’était jamais venus”. »Résultat : l’ex animateur de Ça se bouffe pas, ça se mange ! (France Inter) ira jusqu’à Porto (Portugal) pour trouver un fabricant digne de ce nom …

Une saga française
Une anecdote « confiturière » qui en dit peut-être plus long qu’on ne le pense sur ce camelot épatant, qui n’est jamais en retard ni d’un bon business, ni d’une bataille de civilisation. A ceux qui lui reprochent de jouer le jeu des industriels, il répond sans complexe : « Pendant trente ans, je me suis trompé de cible. »Peut-il faire de Leader Price autre chose qu’une épicerie de misères ? « Le plus urgent, c’est de nettoyer la merde. »A-t-il les moyens d’une gastronomie au rabais ? « On va bientôt sortir une pintade aux figues de chez Frial, le fournisseur de Picard,vous m’en direz des nouvelles … » Ancien restaurateur du Tout Paris et directeur commercial chez Robert Laffont, ce roi du best-seller culinaire (55 livres publiés, dont deux vendus à 600000 exemplaires) qui achète ses lunettes à la Mister Magoo par pack de 20, est une saga française à lui tout seul. A la fois héros et collabo, résistant et commerçant, alcoolique  assumé et combattant du binge drinking (lire page 34) …

L’amour avec une bouteille
« Mon problème aujourd’hui, c’est de savoir si je vais continuer à publier de la littérature. Parce qu’avec les impôts qui me prennent 50%, fait que j’en vende 150 000… » Ces messieurs dames de la famille (Plon) est le 55e et dernier livre de Jean-Pierre Coffe. Ou peut-être même son premier. Un recueil de nouvelles étonnantes à la John Fante – mais sans les éclats de voix – sur les tripes, l’amour avec une truie ou une bouteille, la religion du bon pain et la solitude des terroristes de chiens… « Pour l’instant, on est à quinze mille ventes. C’est inespéré … » Et ça, c’est pas de la merde.

Olivier Malnuit