Le Petit Chaperon Rouge (c) Warner Bros. Pictures

Petit Chaperon cherche gros rouge

 

Sexe party en forêt, pinard en guise de galette et tentation gay entre mère et fille… 38 ans après les écrits de Bruno Bettelheim («Psychanalyse des contes de fées»), le nouveau Petit Chaperon Rouge de Catherine Hardwicke passe sur le divan du psy Jean-Jacques Moscovitz.

Jean-Jacques Moscovitz, que vous inspirent les premières images du «Petit Chaperon Rouge» de Catherine Hardwicke avec Amanda Seyfried ? Elle est bien chaudasse pour un personnage de contes de fées…
Ce n’est pas si étonnant quand vous savez d’où vient ce conte : Charles Perrault a un jour décidé que les Grecs et les Latins n’étaient pas seuls capables de nous enseigner l’art et la littérature, et qu’il fallait également regarder du côté du peuple. Et que racontait le peuple depuis des siècles, le soir, à la veillée ? Des contes oraux très crus, issus de la France profonde, celle des campagnes et des forêts, qui montraient à quel point les relations intimes à cette époque étaient directes. C’est fou tout ce qu’on faisait dans la forêt, à cette époque : les gens y faisaient l’amour, se changeaient, des hommes faisaient pipi dans un coin… Ce que voit le Petit Chaperon Rouge n’est évidemment pas le loup, mais peut-être un homme, un bûcheron qui, observant cette petite fille, a eu un regard ou des gestes déplacés.

Elle a donc envie de se faire bouffer par un bûcheron ?
Vous savez, dans la version des frères Grimm, elle apporte dans son panier la galette et à boire. Du vin, plus exactement. Et ce n’est pas vraiment ce qu’on offre à une grand-mère. C’est plutôt ce qu’on apporte à…

Un bûcheron ?
En tout cas, un travailleur, un homme. En anglais, le conte s’appelle The Red Riding Hood. Riding comme chevaucher. Qui monte-t-elle, qui chevauche-t-elle sinon un homme ? Et puis ce nom, le petit chaperon rouge, c’est très évocateur.

Évocateur de quoi ?
Quand j’entends Chaperon Rouge, j’imagine une sorte de capuche, quelque chose de gonflé, de très rouge. Comme le clitoris.

Le Petit Chaperon Rouge pourrait-il s’appeler le Petit Clitoris Rouge ?!
Il est évident que le conte parle de sexualité infantile. Encore aujourd’hui, on refuse de considérer que tout, du désir humain au rapport à l’autre, est fondé sur la sexualité. Y compris chez les enfants.

Au fond, tout le monde veut que le Petit Chaperon Rouge se fasse manger: elle-même qui donne des indices au loup, sa grand-mère, qui lui offre ce chaperon très seyant et sa mère qui lui prodigue plein de conseils, sauf les bons…
Je crois qu’elle livre encore plus directement sa fille à sa propre mère, une offrande qui vient illustrer un fantasme d’homosexualité assez fréquent entre mère et fille. Elle veut consoler sa mère d’être seule (le grand-père est mort ou absent). Il n’y a d’ailleurs pas plus de père que de grand-père, dans ce conte. En l’absence d’hommes, la structure de l’échange mère/grand-mère est donc particulièrement forte. D’ailleurs, on passe du « il » (le Petit Chaperon Rouge) au elle (la petite fille) en permanence. Elle est considérée comme un objet, comme le phallus en balade de sa mère et sa grand-mère.

C’est ce qui se passe aujourd’hui quand les pères sont absents ? Le lien mère et grand-mère est renforcé ?
Et même quand le père est physiquement là, il n’est plus tellement porteur de la loi. Il est donc finalement peu présent.

On écrit peu de contes aujourd’hui. Comment se transmettent les nouveaux mythes fondateurs ?
Le cinéma joue un rôle considérable, et notamment celui de Spielberg. On sait que notre rapport à la mort a changé – en grande partie avec la chute de la religion. On doit apprendre à se situer par rapport à l’au-delà. Comment Spielberg y répond ? En installant des morts qui ne meurent pas, comme Darth Vader dans Star Wars. Quoi de plus fort que ces images ? C’est notre histoire qui est écrite là, fondamentalement..

«Le Petit Chaperon Rouge», Catherine Hardwicke, sortie en salles le 20 Avril 2011.

Entretien_Christelle Parlanti