C’est la lutte des glaces – Comment faire fortune en vendant des bâtonnets?

Fausses marques, fausses promesses. Mais vrai business. Les glaces rapportent des fortunes à ceux qui les vendent. L’occase de vous mettre enfin un peu au parfum…

 

Lorsque vous demandez au responsable  d’une grande marque de glaces si ses crèmes glacées font grossir, il vous répond généralement : « C’est un sujet sur lequel nous avons décidé de ne pas communiquer. » Puis ensuite : « Nos glaces sont gourmandes et généreuses. Mais tous nos produits sont naturels… » Jamais depuis l’invention des relations publiques par Edward Bernays*, une industrie n’a à ce point joué de la flûte à bec, comme celle des crèmes glacées. En moins d’un siècle, ce dessert développé en France par toute une génération d’Espagnols, originaire de la Vallée des Pasiegos (en Cantabrie), comme les Martinez ou les Ortiz (à l’origine du groupe Miko), a même élevé – on peut le dire – le marketing au stade d’art majeur…

2 milliards
Règle de la promo, de la distribution ciblée (voire aidée) et des opérations de distributions gratuites d’un côté, secret industriel, culte de la langue de bois et marges géantes de l’autre, le «cream business» est probablement l’un des plus rentables depuis la découverte des opiacés et du caviar. Un secteur dont les principaux acteurs (Miko, Hâagen Dazs, Ben & Jerry’s, etc) connaissent pour certains des rythmes de croissance à deux chiffres, et dont le marché annuel en France pourrait bientôt dépasser les… deux milliards d’euros. Et pour y parvenir, tous les gags sont permis. Dans les 7o’s, après avoir joué les bailleurs de fonds des exploitants de salles et financé l’ouverture d’un cinéma sur deux en France (pour vendre des glaces à l’entracte, ndlr), Miko avait bien osé le « Pouss-Pouss » (photo ci-contre): le bâtonnet à pousser pour les enfants. «Ça coulait partout, on s’en mettait plein les doigts», en rigole encore Frédéric Ortiz, le petit-fils du fondateur. Aujourd’hui, pour faire la promo de son nouveau «Magnum Temptation Noisette», Miko fait poser Lagerfeld dans une suite en chocolat (lire page 62). Alors qu’avec ses 1200 calories par jour, il n’a vraisemblablement pas mangé de glaces depuis dix ans…

Avec le « Pouss-Pouss», on s’en mettait plein les doigts … (Frédéric Ortiz)

Faux plagiat
Plus fort? Ben &Jerry’s, dont le concept «Fair vs Not Fair» fait un carton en France (+ 4o%), s’est fait épingler aux USA, sur le côté pas très «natural» de ces glaces au cacao alcalinisé. Amorino, le challenger italien, a tant de succès avec ses parfums bio, qu’il a remplacé le lait d’une de ses glaces par du lait de soja (sic !). Et Häagen-Dazs, dont la marque en faux Danois a été inventée par deux as du marketing, célèbre aujourd’hui son 50ème anniversaire avec un coffret design à cent euros et… une vidéo de l’artiste Thomas Lélu.
Mais le plus drôle dans cette «lutte des glaces» acharnée, c’est qu’au fond plus personne ne sait plus trop ce qu’il raconte. Dans les 8o’s Reuben Mattut le créateur d’Häagen Dazs avait même traîné devant la justice US un concurrent pour  plagiat – le glacier «Frusen Glädjé» – parce qu’il avait lui aussi créé une fausse marque scandinave. Réponse des juges: «Mais pourquoi voulez-vous qu’il y ait plagiat ? Puisque tout est bidon…»

*le neveu de Sigmund Freud.
Olivier Malnuit