C’est la lutte des glaces – N°2 Ben & Jerry’s : Marketer sa coolitude

Commerce équitable et poules pondeuses de luxe: ça fait 32 ans que Ben &Jerry’s sauve la planète avec ses glaces à la cool. Jusqu’àce qu’on découvre l’année dernière qu’elles n’étaient pas si «naturelles» que ça. Trop bio pour être vrai ?

 

Capture du 2015-06-09 12:37:57De la crème glacée bio, façonnée selon la mode du commerce équitable, et illustrée par un bon slogan qui tabasse («Business has a responsability to give back to the community») … Voilà comment naît en 1978 la marque Ben &Jerry’s. A l’origine du concept? Deux babas cools, nommés Ben Cohen et Jerry Greenfield, qui ouvrent un magasin de glaces dans une station-service désaffectée du Vermont. Forts de la culture post-soixante-huitarde (à l’époque, ils roulent en combiVW – NDLR), ils imaginent alors une entreprise «Bisounours» où les gens respectent la nature, les vaches et leur si bon lait…

375 millions de dollars
Les deux zouaves démarrent par la création d’un festival de films, projetés sur Ie mur blanc de l’ancienne station essence. lls donnent ensuite les restes de glaces aux cochons des agriculteurs du coin pour ne pas gâcher, ou encore «font produire des brownies par une boulangerie qui emploie des personnes en réinsertion sociale» explique Émilie Vantajol, la directrice du marketing chez Ben & Jerry’s France. Vingt-deux ans plus tard, Ben et Jerry vendent leur bébé au groupe Unilever, pour la modique somme de…375 millions de dollars.
«Sans pour autant vendre leur âme», précise Émilie Vantajol. «Le tournant de cette collaboration, c’est le passage au commerce équitable de toute la gamme. La preuve que, même au sein d’Unilever, Ben &Jerry’s continue son épopée citoyen ne». Mais encore ? «Le pilier du commerce équitable de Ben &Jerry’s est un prix minimum garanti pour les petits producteurs, versé à titre individuel. ll y a également une prime de développement versée à la communauté pour l’accès aux soins et à l’éducation». Trop bio pour être vrai ?

All pas natural
En 2010, «The Center for the Science in the Public lnterest», l’équivalent de notre lnstitut National de la Consommation, exige d’Unilever que les étiquettes des pots de glaces ne comprennent plus la mention «all natural». La raison ? La présence dans ses glaces d’ingrédients chimiquement modifiés comme le cacaoalcalinisé, le sirop de mail et l’huile de soja hydrogénée. Ben & Jerry’s, qui a créé sa réputation sur le fait de n’utiliser que des ingrédients naturels, s’exécute sur le champ et retire les étiquettes bidons. «La production des glaces à destination de l’Europe, se fait aujourd’hui dans une usine en Hollande, partenaire de WWF (le World Wildlife Fund, le Fonds mondial pour la nature – NDLR), rassure Émilie Vantajol. «Aucune crainte à avoir quant aux ingrédients. Les poules courent dans leur 4 m2 réglementaires, les oeufs de poules élevées en plein air correspondent au grade 1 alors que les grades 0 sont bio et 2 et 3, au sol et en batterie » confirme Aurélia Warin, chargée de campagne à la PMAF (Protection Mondiale des Animaux de Ferme).

Coullles mâchées
«On a même mis en place le « Caring dairy » qui vise à garantir un équilibre entre laviabilité  des exploitations, le bien-être des éleveurs et le bien-être des vaches», conclut Emilie Vantajol. Et pourquoi pas un label AB ? «On pourrait sûrement rentrer dans la certification. Mais notre démarche, ce n’est pas d’être opportuniste. Ce n’est pas parce que le bio est tendance qu’on va changer notre fusil d’épaule…»> Rançon du succès ? Ces dernières semaines, la direction US de Ben &Jerry’s a dû faire face à deux nouvelles rumeurs sur le Net: la première prétendait que la société allait sortir une glace au  bacon, ladeuxième que le prochain parfum aurait un goût de… couilles mâchées (comme dans le sketch culte «Schweedy balls» du Saturday Night Live, avec Alec Baldwin). On a les hoax qu’on mérite.

Elsa Launay