Gastronomes et sans culottes – le sexe à table

Capture d’écran 2015-09-16 à 12.05.39Fétichistes du légume, gastronomie en milieux échangistes, soupes aux abats, sauces au sperme et tables humaines… La cuisine sexuelle est-elle un art culinaire ou une légende urbaine qui fait parler dans les dîners ? Notre petit inventaire des pratiques en cours. A ne pas lire avec des pincettes.

 

C’est Tharksgiving dans le Minnesota. Stéphanie et Matt reçoivent leurs amis à déjeuner dans leur maison de Minneapolis. Au menu : émincé de volaille, purée de pommes de terre et un étrange consommé de ratatouille… Et surtout beaucoup de Chardonnay de Californie, et quelques bouteilles de « French  Bordeaux pour le fromage. La routine, en somme. Sauf que Stéphanie, Matt et leurs amis sont des échangistes américains, et qu’après leur repas de beaufs invraisemblables, ils vont tirer la nappe, pisser un coup et baiser tous ensemble sur la table et même en dessous…

Pommes de terre à la normande
Stéphanie, Matt et leurs joyeux convives font partie des nombreux partouzeurs gastronomes, qui ont accepté d’être photographiés par la journaliste Naomi Harris, dont le livre America Swings vient d’être publié chez Taschen. Un reportage stupéfiant, au coeur de cette Amérique profonde qui revendique son solide appétit de sexe, de rigolade et de boustifaille comme s’il s’agissait du Premier amendement. Un nouveau genre culinaire ? Sûrement pas. Mais un éclairage gargantuesque (travers de porc, cubis de vin de 5 litres, etc.) sur la manière dont les échangistes, dont on pourrait croire qu’ils courent après des tailles de guêpe, ont associé leurs fantasmes à ceux d’un banquet permanent à la Ferreri. « La culture échangiste s’accompagne toujours d’une certaine idée de la restauration, explique Naomi Harris. La première fois que je suis allée dans un club de Miami, pourtant franchement miteux, il y avait un énorrne buffet avec un chef en toque qui servait des tranches de rôti de boeuf avec des pommes de terre à la normande. On s’est goinfrés avant de rejoindre à poil la pièce à baise. »

Viagra culinaire
Spécialité des échangistes ? La cuisine sexuelle est pourtant un énorme marché d’édition familiale aux Etats-Unis. Trois femmes s’y partagent le gâteau des best-sellers de recettes aphrodisiaques : la comédienne Jacqui Malouf dont le livre Booty Food est toujours en
tête de ventes d’ Amazon après cinq ans, l’oenologue Ami Reiley, finaliste des Wine Women Awards organisés par la célèbre école Le Cordon bleu, et dont le livre Fork me, Spoon me est un classique du genre, et Ia diététicienne anglaise Marrena Lindberg, théoricienne du « viagra culinaire » et dont le livre The Orgasmic diet fait figure de challenger honorable. A peu de choses près, tous racontent sensiblement la même chose : mangez des huîtres, du vrai cacao (à la théobromine), des piments, des salades de pastèque, buvez du champagne. . . Avec au passage, quelques créations très américaines (omelette au beurre de cacahuète, Martini au chocolat chaud, etc.) qui laissent deviner pourquoi la recette marche si bien aux Etats-Unis et si peu en France. Et pourtant, le sexe à table est bien une réalité culturelle, durablement implantée en Amérique du sud où les amateurs de plats à base d’abats (sexe de taureau, etc.) ne débandent toujours pas (lire notre interview de Blandine Vié en page 123) et au Japon, où la pratique de la table humaine (lire notre article en Pages 120-12I) reste un attrape-touristes incontournable qui s’est récemment exporté jusqu’en Floride.

Physiologie du go0t
Info ou branlette de nouilles ? Les fétichistes du légume, revendiqués comme silophiles, pullulent également sur les forums Internet, sans qu’on comprenne bien toute l’étendue de leur canular. Et un mystérieux cuistot du dimanche vient de publier sur Lulu.com (le Amazon de l’édition en ligne) un livre de recettes au sperme (Iire notre article en page 119) en forme d’hommage pas très discret à Brillat-Savarin et son légendaire La Physiologie du goût, ou méditations de gastronomie ascendante. Mais un échec bien vrai, celui-là, résume peut-être à lui tout seul, toute la fantasmagorie sexuelle de la cuisine. Pour lancer sa nouvelle marque de plats ethniques PurAsia, le géant de l’agroalimentaire Mars Food a cru bon d’inventer récemment en Angleterre le concept du « gastrosexuel » (le métrosexuel de la bouffe, quoi). Un bide. Les produits ont été retirés de la vente six mois plus tard. Comme quoi, le sexe à table, c’est vraiment dans la tête.

Victor Eugène (avec Tristan Renx)