Luana Belmondo, « La Maïté blonde »

Elle est belle et blonde, porte un nom célèbre et navigue derrière les fourneaux de plateaux télé. Elle, c’est Luana Belmondo, chef popotte de «C à vous» devenue célèbre par la grâce d’un gadin. Et pourtant, elle vaut tellement plus que ça…

Ça démarre par une grosse gamelle. On est en décembre 2011 sur le plateau de C à vous, l’émission d’access prime-time de France 5 présentée par Alessandra Sublet. Ce soir-là, Marine Le Pen en est l’invitée politique. Face aux questions de Patrick Cohen – le journaliste politique de l’émission – la leader frontiste lance ses dragonnades à l’encontre du énième sommet de la dernière chance entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy pour sauver l’euro. Aux côtés de la candidate à l’investiture suprême, Jérémy Michalak – le mec chargé de repérer « les trucs qui ont buzzé sur le net » – tire la gueule. On résume : un Patrick Cohen concentré, un Jérémy Michalak mal luné et ajoutez à cela, une Alessandra Sublet enrhumée… Ce soir-là sur le plateau de C à Vous, l’ambiance est manifestement plus tendue qu’à l’accoutumée.

Grosse gamelle

C’est alors qu’un événement burlesque va porter l’estocade à cette ambiance vaguement plombée. Un événement hautement télégénique qui surgira en arrière-plan mais néanmoins perceptible à l’écran. Une grosse gamelle opérée par la cuisinière de l’émission, Luana Belmondo, qui s’accroche désespérément à son poivrier. Une chute comme les aiment les producteurs de télé depuis qu’il y a 20 ans, Patrice Carmouze, aux côtés de Dechavanne, les a popularisées. Le truc insolite et marrant qui crée le bouche-à-oreille, susceptible de faire l’événement chez Morandini le lendemain ou d’alimenter les futurs bêtisiers de fin d’année. Bref, le truc qui « fait le buzz grave, tu voas ? » comme il est d’usage de le qualifier.

Saint-Cloud

Quelques jours plus tard, à la table du restaurant Les Portes (Paris 11e), Luana revient sur l’événement. Elle nous explique que, sur le moment, elle avait un peu honte vis-à-vis de Gucci, la marque de luxe qui lui a prêté ses talons hauts pas anti-dérapants pour un sou.  « T’es folle ou quoi ? Te rends-tu compte de la pub que tu leur a fait ? », lui réplique alors l’un des membres de la rédaction de C à Vous. Elle nous avoue un peu naïvement : « Je maîtrise encore mal tout ce système-là. Le buzz, ces trucs-là… » Et quelle fut la réaction de Marine Le Pen après cette chute, s’enquiert-on auprès de Luana ? « Elle a envoyé un mot plutôt sympa, s’inquiétant de savoir si je ne m’étais pas trop fait mal. Il faut avouer que Marine Le Pen est une personne assez agréable. Avant l’émission, dans la salle de maquillage, elle m’a abordé sur le mode : ‘’Bonjour, je crois que nous sommes voisines, j’habite Saint-Cloud (les Belmondo vivent à Vaucresson, ndlr). Et d’ailleurs l’un de mes fils est probablement pote avec le vôtre’’. Le fait est que malgré tout, ses idées politiques ne passent pas chez moi ». Avant d’ajouter : « Mon père a toujours combattu Mussolini, et à la maison, on a toujours été éduqués contre l’extrême droite. Cela reste ancré en moi… »

Pôle emploi des stars

Luana Belmondo arbore une belle quarantaine avenante au physique sexy et botticellien. D’elle, on connaissait ses prestations de cuisinière (les escalopes de veau gremolata au citron, les courgettes braisées au jambon de Parme, etc.) dans C à vous donc. En regardant de temps en temps cette émission, on s’était d’ailleurs dit que le choix du casting était varié et donc judicieux question chefs d’access prime-time. Un jour, il y avait Babette de Rozières, truculente guadeloupéenne qui fut, dans une autre vie, script girl pour les émissions de Maritie et Gilbert Carpentier. Un autre, Julie Andrieu, délicate bourgeoise parisienne mais néanmoins baroudeuse qui fut, dans une autre vie, photoreporter pour Paris Match. Et Luana Belmondo donc, « épouse et belle-fille de », qui fut dans une autre vie, mannequin pour Balmain. Une entrée dans l’univers de C à vous qui s’est faite par le biais de Læticia Hallyday (une autre voisine des Hauts-de-Seine) qui fit l’intermédiaire entre Luana et Alessandra Sublet lors d’un retour en avion de Saint-Barth. Un vrai Pôle emploi pour stars en devenir les retours en avion depuis Saint-Barth…

20 kilos de moins

Au fur et à mesure de la discussion, Luana nous apprend qu’elle est la fille unique d’une famille romaine, bourgeoise, recomposée. Que son père l’a eue à 60 ans et qu’il était producteur à la télévision publique italienne (La Rai). Et sa mère ? « À 40 ans, elle était femme au foyer. C’est elle qui m’a transmis l’amour de la cuisine ». Elle se souvient que sa Mama était toujours debout lors des repas familiaux. Que les grosses décisions s’opéraient lors des dîners mais que c’était toujours elle qui détenait le dernier mot. Un quotidien tranquille qui va s’accélérer vers 19  ans : des études de droit pour devenir avocate (elle était fan de Perry Mason) et une arrivée en France pour faire un peu de mannequinat en guise de job d’étudiante. « Au départ je ne devais rester ici que deux mois. Je n’étais pas spécialement douée ni belle. Je ne représentais pas le mannequin type car à l’époque, la norme c’était 1,80 m et des mensurations pas possibles. Et même avec 20 kilos de moins qu’aujourd’hui, à 19 ans, je n’étais pas dans le créneau. J’ai quand même un peu travaillé : un défilé pour Balmain, une couverture pour Biba, sans jamais être mannequin cependant ».

Ti voglio bene

C’est aussi l’époque où Luana vit en colocation  avec une collègue qui sort avec Anthony Delon. Et c’est par son truchement que Luana rencontre son futur mari Paul Belmondo – le fils du « magnifique » étant pote avec celui du « samouraï ». Paul entreprend alors de lui faire connaître le Paris touristique : « Les Bains Douches, tout ça… Pendant deux jours il a été très prévenant avec moi. Adorable… ». Et lorsque Paul accompagne Luana à l’aéroport pour son retour à Rome, en guise d’au revoir Luana lui dit dans un français erratique : « Vraiment Paul, je te veux bien ». Une traduction mot à mot de « ti voglio bene » qui, en italien, ne possède pas le même niveau de connotation sexuelle. Reste que sur ce malentendu linguistique, Paul débarque à Rome 24 heures plus tard avec pour objectif : séduire Luana. « Il a un peu ramé au début et puis on s’est mariés très vite. Un an après, on avait notre premier enfant. » Luana devient donc maman à 20 ans et entre de plain-pied dans la galaxie Belmondo : « Jean-Paul est un type super simple qui m’a tout de suite mise très à l’aise. En plus c’est un homme qui aime énormément l’Italie, il est d’ailleurs sorti avec l’actrice Laura Antonelli. J’ai des souvenirs de soirées qu’on passait à Saint-Tropez où il évoquait Vittorio De Sica ou les acteurs de la Dolce Vita qu’il a bien connus. Et moi d’écouter ces histoires de mon pays que j’avais certes lues ou vues dans des films, mais racontées par quelqu’un qui les avaient vécues c’était vraiment touchant. On avait ces moments d’intimité tous les deux avec l’Italie. J’ai été super bien accueillie dans cette famille sans jamais ressentir le poids du nom… » Question : « Comment va Jean-Paul Belmondo aujourd’hui ? » « Il va bien ». OK…

Epeautre d’exception

Vingt ans et trois enfants plus tard devenus grands, Luana ressent une sorte de « petit vide » dans son existence. Mère de famille, c’était super mais maintenant, elle aspire à autre chose. « Au début, je faisais toutes les expos avec conférence. Et puis je me suis aperçue que je n’y comprenais rien. Après ça a été ma période cinéma, j’allais voir tous les films et j’ai fini par me dire ‘’Arrête de te mentir à toi-même. Qu’est-ce qui te plaît réellement dans la vie ?’’ Il n’y avait pas photo : la cuisine ». À la faveur d’un concert de Johnny Hallyday au Stade de France, Sandra Rudich, une cadre influente de Canal+ et par ailleurs, intime des Hallyday la persuade de faire de la télé. Suivra alors un rendez-vous avec Charlotte Meunier, la toute-puissante responsable de le cellule « Repérages » de la chaîne cryptée. « Je suis arrivée au casting hyper stressée, je transpirais, j’avais des plaques rouges sur la peau… Mais ça s’est finalement bien passé ». Entre-temps, Charlotte Meunier devient directrice de Cuisine TV et demande à Luana de lui proposer un projet d’émission. Résultat : Luana réamorce l’activité de la boîte de production de son mari Annabelle Productions qui jusque là, ne produisait plus rien et crée  Bienvenue chez Luana, décliné depuis peu en Bienvenue chez Luana en Toscane. « La Toscane en Italie c’est un peu l’équivalent de la Provence ici. C’est aussi une région de chasse et de belles maisons. On y trouve aussi de bons produits, l’huile d’olive y est la meilleure du monde selon moi et on y cultive un épeautre d’exception (le caviar des céréales, ndlr) idéal pour cuisiner le risotto. Et puis c’est ici que je passais mes vacances lorsque j’étais enfant ». L’idée de Bienvenue chez Luana en Toscane étant de s’extraire des émissions de plateau qui l’ennuyaient un peu pour donner un peu de vie à l’ensemble en filmant dans une maison : « Chaque épisode possède une thématique précise : ‘’Luana fait un dîner chic pour des amis’’, ‘’Luana cuisine pour les enfants’’, ou encore ‘’Luana improvise un super déjeuner avec les restes de la veille’’, avec toujours une touche d’improvisation, de virgule de vie. Par exemple au début le réalisateur coupait lorsque le chien aboyait. Je lui ai dit : ‘’Non, garde ce genre de détail, c’est important’’. Pareil lorsque mes pizzas étaient un peu trop cuites. Hors de question de les refaire, d’autant que les enfants adorent la pâte lorsqu’elle est croustillante ».

MILF aux fourneaux

Un concept télé « mère de famille sexy aux fourneaux » avec une mise en situation de la vie de tous les jours qui n’est pas sans rappeler celui inventé par Nigella Lawson, l’incarnation de la super MILF (Mother I’d like to fuck, ndlr) outre-Manche. Une comparaison que Luana assume pleinement. « Exactement, après ma mère, Nigella est véritablement mon modèle en la matière… ». On saisit alors la balle au bond en questionnant Luana sur la corrélation entre la cuisine et la sensualité des femmes italiennes : « Sophia Loren ou Gina Lollobrigida ont toujours incarné, dans l’imaginaire collectif, la femme italienne pulpeuse, aimant manger et jouant, de temps à autre, les bonnes cuisinières… Ça ne me gêne pas du tout si j’entre dans cette catégorie. Bien au contraire » avant de conclure par un troublant : « Vous ne trouvez pas cela sexy une femme en cuisine ? ».

Par Sylvain Monier (avec Olivier Malnuit)

Photos: Sébastien Vincent